REFERENTIEL MORNET 2024 : quels changements par rapport à 2023 ?

25/09/2024
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Puisqu’il n’existe aucun texte législatif précisant de quelle manière il convient d’indemniser les victimes de préjudices corporels, nous devons, en tant qu’Expert en indemnisation, nous référer à la Jurisprudence qui depuis maintenant quelques années est compilée dans le Référentiel que l’on ne présente plus que sous le nom de son éminent créateur le REFERENTIEL MORNET (Monsieur Benoit MORNET, Conseiller à la Cour de Cassation).

La rentrée du mois de septembre nous apporte donc son habituel nouveau Référentiel MORNET mis à jour des dernières jurisprudences.

Monsieur MORNET est parfaitement clair dans son introduction, il ne proposera pas d’autres références d’indemnisation que ceux figurant dans l’autre référentiel, celui des Cour d’Appel :

Ce document a en outre pour objet de proposer les références d'indemnisation figurant • le Référentiel indicatif de l'indemnisation du préjudice corporel des cours d'appel. 

Alors appelons de nos vœux une révision des montants qui depuis plusieurs années, en dépit d’une inflation galopante n’ont pas été actualisés.

Je vous propose donc ci-après de faire l’inventaire des nouveautés du MORNET 2024, par thèmes.

 

L’aggravation de l’état de la victime :

Des précisions et compléments issues des dernières jurisprudence sont apportées en page 37 :

L'aggravation du dommage initial causé par un accident peut découler de nouveau préjudices résultant des soins qui ont été prodigués à la victime postérieurement à consolidation, en vue d'améliorer son état séquellaire résultant de cet accident. Viole principe de la réparation intégrale l'arrêt qui rejette la demande de la victime au titre l'aggravation de son préjudice au motif que les conséquences des nouveaux soins interventions subis par elle dans le but d'améliorer son état ne peuvent être qualifié d'aggravation de l'état initial. (Civ. 2, 10 mars 2022, pourvoi n° 20-16.331, publié).

S'il résulte de l'article 2226 du code civil que l'action en indemnisation de l'aggravation préjudice est autonome au regard de l'action en indemnisation du préjudice initial, en ce que nouveau délai de prescription recommence à courir à compter de la consolidation l'aggravation, une demande en réparation de l'aggravation d'un préjudice ne peut être accueillie que si la responsabilité de l'auteur prétendu du dommage a été reconnue (Civ. 2, mars 2024, n° 22-18.089). 

Fait une exacte application de l'article 2226 du code civil, la cour d'appel qui, en l’absence d'aggravation de l'état de santé de la victime, déclare prescrite la demande d'indemnisation frais liés à l'acquisition de prothèses et de fauteuils roulants plus performants ou destinés i pratique d'un handisport, présentée plus de dix ans après la date de consolidation, en retenant qu'ils ne constituent ni une aggravation situationnelle ni un préjudice nouveau (Civ. 2, 15 j 2023, n° 21-14.197).

 

De l’indemnisation des préjudices en cas de blessures :

1.Sur les pertes de gains professionnels actuels

Est ajoutée une jurisprudence statuant sur les pertes de possibilité de promotion pendant la période initiale d’arrêt de travail – page 44  :

Lorsqu'une cour d'appel estime que la victime a subi, durant la période temporaire, un limitation de ses possibilités professionnelles et la perte d'une chance de bénéficier de promotions professionnelles, ces préjudices sont indemnisés au titre des pertes de gain:professionnels actuels (Civ. 2, 25 avril 2024, pourvoi n°22-17.229). 

 

2. Sur les barèmes de capitalisation :

Deux précisions sont apportées en page 49 :

Ces barèmes de capitalisation tiennent compte des effets de l'inflation, ce qui permet de protéger la victime contre les effets de l'érosion monétaire et répond en conséquence à l'exigence de réparation intégrale.

Pour mémoire, en avril 2024, les données sont les suivantes : inflation sur un an à 2,3 9 livret A à 3 %. 

 

3. Sur les pertes de gains professionnelles futures et plus particulièrement sur la question épineuse de  l’incidence de l’inaptitude de la victime à reprendre ses activités dans les conditions antérieures à l'accident : 

En page 53 est ajouté : 

La jurisprudence récente exige cependant des éléments de motivation quant à l'impossibilité pour la victime d'exercer une activité professionnelle compte tenu de sa qualification, de expérience professionnelle et de ses capacités de reconversion; la Cour de cassation sanctionne la cour d'appel lorsqu'elle statue par des motifs impropres à établir que la victime se trouverait, à l'avenir, privée de la possibilité d'exercer une activité professionnelle (Ci 24 novembre 2022, n° 21-17.323 ; Civ. 1, 8 février 2023, n°21-21.283) 

Et en page 55 : 

Une victime, licenciée en raison d'une inaptitude imputable à un fait dommageable a entraîné une perte de gains professionnels futurs totale, subit nécessairement, en l’absence d'éléments contraires, une diminution de ses droits à la retraite, lesquels ne dépendent 1 uniquement du nombre des trimestres d'assurance vieillesse validés. Viole en conséquence le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime la cour d'appel qui, pour rejeter la demande formée au titre de la perte de droits à la retraite retient que les indemnités journalières et les périodes de chômage indemnisées donnent lieu à la validation de trimestres d'assurance vieillesse pour la retraite de base (Civ. 2, 6 juillet 2023 pourvoi n°21-25.667). 

 

4. Sur l’assistance par tierce personne :

Une jurisprudence récente est ajoutée sur le fait que le préjudice ne peut pas être lié à la production de justificatifs de dépenses effectives (malheurement cela signifie que cette question peut faire encore l’objet de débats…) – page 59 :

L'indemnisation du préjudice lié à l'assistance par une tierce personne ne peut subordonnée à la production des justifications des dépenses effectives (2e Civ., 14 oct 1992, pourvoi n° 91-12.695, et pour des applications récentes : Crim. 22 mai 2024, n 80.958 ; Civ. 2, 15 décembre 2022, n°21-16.609). 

La référence à un tarif horaire de 11 € pour la tierce personne passive (page 61 de la version 2023) est (enfin) retirée de la version 2024 (pages 61/62).

 

5. Sur le déficit fonctionnel temporaire :

Une jurisprudence pour un cas très particulier d’une période de DFT de 9 années est ajoutée – page 66 :

Plus récemment, la Cour de cassation a retenu, dans l'hypothèse d'un déficit fonction temporaire qui avait duré neuf ans, que « la perte d'espoir et de chance de réaliser un projet vie familiale en raison de la gravité du handicap et le préjudice sexuel subis, durant ce même période, sont indemnisés au titre du déficit fonctionnel temporaire ». Civ. 2, 25 avril 2024, п°22-17.229). 

 

6. Le déficit fonctionnel permanent :

S’agissant de la question du périmètre de l’indemnisation, la version 2024 est plus précise que la version 2023.

Référentiel 2023- page 70 :

On rappellera que le taux de déficit fonctionnel déterminé par le médecin expert ne tient pas nécessairement compte des souffrances permanentes et des troubles dans les conditions d'existence. Dans ce cas, le juge peut majorer l'indemnité pour prendre en compte l'indemnisation de ces éléments. 

VERSUS Référentiel 2024 - page 70 : 

L'indemnité doit être majorée lorsqu'il ressort de l'expertise que le médecin expert n'a pas prise en compte les douleurs permanentes. S'agissant des troubles dans les conditions d'existence, également indemnisés au titre du déficit fonctionnel permanent, ils ne relèvent pas nécessairement de l'avis du médecin-expert ni d'un pourcentage, mais plus des éléments apportés par la victime pour les caractériser. Il conviendra donc de majorer l'indemnité au regard de ces éléments. 

 

Du recours des tiers payeurs :

 Une précision d’ordre général en page 79 :

Ces prestations sont la contrepartie de la qualité d'assuré social ayant versé des cotisation sont dues quel que soit le responsable du dommage.

Une précision de droit européen, également en page 79 :

S'agissant des organismes de Sécurité Sociale qui relèvent d'un autre Etat membre de l'U résulte de l'article 85 du Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale et de la jurisprudence la CJUE que :

  • les droits que la victime détient à l'encontre de l'auteur du dommage ainsi que les conditions d'ouverture de l'action en réparation sont déterminés selon le droit de l'Etat membre où se produit le dommage, y compris les règles de droit international privé qui sont applicables ;
  • la subrogation éventuelle de l'institution de sécurité sociale, dans les droits de la victime dommage survenu dans un autre Etat membre, contre le responsable et/ou son assureur l'étendue de cette subrogation, sont déterminées selon le droit de l'Etat membre dont re cette institution ;
  • cette subrogation éventuelle a lieu dans la limite des droits de la victime contre l'auteur dommage, tels que déterminés par la loi de l'Etat membre sur le territoire duquel le dommage est survenu.

(CJUE arrêt C-397-96 du 21 septembre 1999 ; Ire Civ., 24 juin 2015, no 13-21.468 ; 2 Civ. 10 septembre 2015 - n°14-13.799) 

Quant au FGTI et les justificatifs qu’il sollicite – page 81 :

Il se déduit encore des articles 706-9 et 706-10 que « le versement d'une rente au titre l'assistance par une tierce personne ne peut être subordonnée à la production annuelle, par victime, auprès du FGTI, d'une attestation justifiant qu'elle ne perçoit pas la PCH » (Civ.21 septembre 2023, n°21-25.187). 

 

De l’indemnisation des préjudices en cas de décès :

1. est ajouté un nouveau paragraphe par rapport à la version 2023 sur l’autonomie du préjudice d’angoisse d’attente – Page 94 :

III- Le préjudice d'angoisse d'attente

Dans un arrêt rendu en chambre mixte le 25 mars 2022, la Cour de cassation a admis l'autonomie du préjudice d'angoisse lié à l'attente des proches .

« Les proches d'une personne, qui apprennent que celle-ci se trouve ou s'est trouvée exposée, à l'occasion d'un événement, individuel ou collectif, à un péril de nature à porter atteinte à son intégrité corporelle, éprouvent une inquiétude liée à la découverte soudaine de ce danger et à l'incertitude pesant sur son sort. La souffrance, qui survient antérieurement à la connaissance de la situation réelle de la personne exposée au péril et qui naît de l'attente et de l'incertitude, est en soi constitutive d'un préjudice directement lié aux circonstances contemporaines de l'événement. Ce préjudice, qui se réalise ainsi entre la découverte de l'événement par les proches et leur connaissance de son issue pour la personne exposée au péril, est, par sa nature et son intensité, un préjudice spécifique qui ouvre droit à indemnisation lorsque la victime directe a subi une atteinte grave ou est décédée des suites de cet événement. Il résulte de ce qui précède que le préjudice d'attente et d'inquiétude que subissent les victimes par ricochet ne se confond pas, ainsi que le retient exactement la cour d'appel, avec le préjudice d'affection, et ne se rattache à aucun autre poste de préjudice indemnisant ces victimes, mais constitue un préjudice spécifique qui est réparé de façon autonome. » (Cass.ch. Mixte, 25 mars 2022, n°2°-17.072). 

2. S’agissant de la méthode de calcul du préjudice économique du Conjoint Survivant – Page 98 :

Si le référentiel 2023 citait des jurisprudences un peu ancienne (2011 et 2014). La version 2024 cite un arrêt bien plus récent et qui plus est Publié au Bulletin.

Cette méthodologie a été validée par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation dans l'arrêt du 12 octobre 2023 (Civ. 2, 12 octobre 2023, pourvoi n° 22-11.031, publié). 

 

De la réparation du dommage causé à l’occasion du travail :

La coquille dans le calcul de la page 101 de la version 2023 est corrigée dans la version 2024 (page 104) ; l’indemnité globale à répartir est bien de 867.495,75 €. Le tableau est donc aussi dûment rectifié en page 105.

Est ajoutée la référence à l’application logique de la jurisprudence initiée par la décision de l’Ass. Plén. Du 20 janvier 2023 dorénavant également à la pension d’invalidité – page 106 :

La deuxième chambre civile a logiquement étendu cette jurisprudence à la période d'invalidité (2ème Civ., 6 juillet 2023, pourvoi n° 21-24.283, publié). 

Quant à l’indemnisation de ce type d’accident il est évident nouvellement précisé – page 112:

Dès lors, la victime d'une faute inexcusable peut prétendre à la réparation du déficit fonctionnel permanent, que la rente ou l'indemnité en capital n'a pas pour objet d'indemnité (Civ. 2, 16 mai 2024, n° 22-23.314, publié). 

 

 

2024 – Référentiel MORNET