ACCIDENT DE LA CIRCULATION et INDEMNISATION DES BLESSURES D’UN CONDUCTEUR VICTIME

15/02/2024
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La Loi N°85-977 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation a posé l’indemnisation intégrale des dommages corporels des victimes autres que conductrices exceptés les cas rarissimes de recherche volontaire du dommage et de faute inexcusable qui serait au surplus cause exclusive de l’accident (la fameuse FICEA).

Les conducteurs quant à eux se sont vu réserver une situation particulière puisque l’article 4 de cette Loi (appelée également Loi BADINTER, sur cet aspect aussi cet éminent et regretté Avocat, aura œuvré) précise que pour leur indemnisation «  la faute commise …a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis ».

L’enjeu est donc majeur pouvant priver une victime conductrice de l’indemnisation de ses dommages corporels et matériels.

Toute la question consiste en la manière d’apprécier cette faute.
Les juges du fond sont souverains pour l’apprécier cette faute : toutefois ils doivent : 

  • proscrire toute référence à la notion de cause exclusive,
  • faire abstraction du comportement des autres conducteurs,
  • ne pas tenir compte de l’importance de la participation causale du conducteur victime.

Une vraie gageure ! Il semble difficile de ne pas exclure le droit à indemnisation d’un conducteur qui ne respecte pas un stop, un feu rouge …. Et les réflexes d’une indemnisation en base « 100 », représentant l’ensemble des responsabilités dans un accident, ont la vie dure.

L’indemnisation de deux conducteurs victimes d’un même accident peut prendre toutes les nuances :

  • indemnisation à 100 % de chacun lorsque les circonstances sont indéterminées …puisqu’aucune faute ne peut être reprochée,
  • aucune indemnisation si les deux conducteurs ont commis de graves fautes excluant leur indemnisation,
  • le premier conducteur pourrait être indemnisé à hauteur de 80 % ou 50 % ou 30 % ou 20 % , tandis que le second pourrait être lui-même indemnisé à 80 % ou 50 % ou 30 % ou 20 % … avec toutes les combinaisons possibles…

Les Conventions entre assureurs (IRSA pour l’indemnisation des dommages matériels, IRCA pour l’indemnisation des dommages corporels) ne font pas dans la nuance et les « cas de barème »s applicables fonctionnent en base 100. Même, si ces Conventions précisent que ces fameux « cas » ne sont pas opposables aux victimes et que seul le droit commun s’applique, la pratique démontre que des nuances ne sont en réalité aucunement faites et que les droits à indemnisation retenus à l’encontre des conducteurs ne respectent pas les prescriptions de la jurisprudence.

Un conducteur qui commet une faute simple dispose néanmoins d’un droit à indemnisation même si cette faute est la cause exclusive de l’accident : le fait de ne pas respecter une priorité à droite, un feu de signalisation, un stop, de changer la direction de son véhicule sans avoir préalablement vérifier pouvoir le faire sans danger ….. toutes ces fautes, si elles demeurent isolées et non aggravées par d’autres éléments fautifs (cumul de fautes, vitesse excessive, alcoolémie, stupéfiant …) ne permettent pas d’exclure le droit à indemnisation du conducteur ; ce droit ne sera que limité. Et si la faute est simple un droit à indemnisation à hauteur de 75/80 % est parfaitement envisageable.

Cette position de la Cour de Cassation en interprétation de la loi du 5 juillet 19885 peut paraître presque contre intuitive, cependant elle existe depuis 1997 posée par le célèbre arrêt De Meyer (Chambre mixte 28 mars 1997 – pourvoi n° 11.078).

Pour autant les magistrats eux-mêmes éprouvent des difficultés à appréhender correctement ces préceptes et  la Cour de Cassation doit régulièrement répéter à l’envie les règles d’indemnisation des conducteurs victimes.

Ainsi l’arrêt du 25 janvier 2024 (référence du pourvoi 22-22.884) en est une nouvelle illustration ; les juges du fond excluaient l’indemnisation d’une conductrice ayant perdu le contrôle de son véhicule sur la neige en raison d’une vitesse excessive non adaptée aux difficultés atmosphériques car sa faute était selon eux « la cause exclusive de l’accident ».

La cassation était inévitable.