Décès dans un accident de la circulation et faute de la victime

23/01/2024
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Le droit à indemnisation des préjudices corporels des victimes d’accidents de la circulation/ accidents de la route est régi par La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, également connue sous le nom de Loi Badinter.

Ainsi les victimes autres que les conducteurs (piétions, cyclistes, passagers, skateurs ….) bénéficient d’un droit à indemnisation intégral sauf s’ils commettent une faute inexcusable cause exclusive de l’accident, connue des praticiens sous le nom de FICEA. Si une telle faute existe la victime n’a aucun droit à indemnisation de ses dommages corporels : c’est le règne du tout ou rien.

Je n’évoquerai pas ici la notion de recherche volontaire du dommage, autre possibilité de priver une victime de l’indemnisation de ses dommages corporels.

Pour qu’une telle faute soit reconnue par les Tribunaux il faut que deux éléments soient réunis :

  • une faute inexcusable
  • qui en outre serait la cause exclusive de l’accident - ce deuxième point n’étant évoqué que lorsque le premier est retenu.

La faute inexcusable doit s’entendre, selon la jurisprudence bien acquise de la Cour de Cassation, comme étant une faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant son auteur sans raison valable à un danger dont il aurait du avoir conscience.

Les faits de l’espèce étaient les suivants : un jeune homme de 18 ans circule en skate sur la route ; il est heurté par une voiture, non assurée, et décède des suites de ses blessures.

Ses ayants droit / ses héritiers (ces deux notions ne sont pas tout à fait identiques) intentent une action contre la conductrice et le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO), intervenant pour l’indemnisation des victimes blessées ou décédées en cas de non assurance du véhicule impliqué dans l’accident.

La Cour d’Appel les déboute de leur demande en réparation de leurs préjudices du fait de ce décès (remboursement des frais d’obsèques, préjudice moral / préjudice d’affection, divers frais …).

Un pourvoi en cassation est formé par la grand-mère de la victime décédée.

La 2ème Chambre Civile va censurer les juges d’appel au visa de l’article 3 la loi du 5 juillet 1985 estimant que la faute inexcusable n’était pas avérée, « les éléments relevés ne caractérisaient pas l’existence d’une faute inexcusable » :

  •  en rappelant tout d’abord la définition de la faute inexcusable : « au sens de ce texte, seule est inexcusable la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience » . 
  • en reprenant les faits : 
  • « pour dire que [le skater] a commis une faute inexcusable, cause exclusive de l’accident, et exclure le droit à indemnisation de [la grand-mère], l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que celui-ci évoluait sur une planche à roulettes, à très vive allure, dans une rue à forte déclivité, sans avoir arrêté sa progression en bas de cette rue, dans une ville très touristique, au mois d’août, à une heure de forte circulation, en étant démuni de tout système de freinage ou d’équipement de protection » 
  • « [le skater] s’est élancé sans égards pour la signalisation lumineuse présente à l’intersection située au bas de la rue ni pour le flux automobile perpendiculaire à son axe de progression »

Certes le comportement de la victime de l’accident est particulièrement fautif mais pas suffisamment pour exclure son droit à indemnisation au sens de la loi du 5 juillet 1985, dont le but est de protéger les victimes vulnérables.