INDEMNISATION DES PREJUDICES CORPORELS FUTURS

09/11/2023
Thumbnail [16x6]

La question de l’indemnisation des préjudices futurs est toujours cruciale.

 

Il est évidemment nécessaire que les victimes disposent d’un capital suffisant pour faire face à leurs dépenses futures :

 

  • dépenses de santé telles que le renouvellement de l’achat d’un fauteuil roulant, de prothèses en cas d’amputation ….
  • dépenses en frais de tierce personne, la victime doit pouvoir à l’avenir faire face à ses frais…
  • aménagement de véhicule pour une adaptation à son handicap doit pouvoir être renouvelé… 

Mais outre les dépenses, le futur doit également prendre en compte les revenus qui ne sont plus perçus.

 

Comment faire en sorte qu’aujourd’hui le calcul de l’indemnité mette à l’abri les victimes pour 10 ans, 20 ans, 30 ans ….

 

La rente est à mon sens une solution, qui si elle peut sembler attractive, est en définitive peu protectrice de l’intérêt des victimes. Sauf exception de victimes particulièrement vulnérables, la rente est une fausse bonne idée.

 

En effet, la victime demeure toujours tributaire de la compagnie d’assurance alors qu’en fait elle ne souhaite que tourner la page et se reconstruire.

 

Mais au surplus, il faut évoquer la question de la revalorisation de cette rente ! En Badinter, elle se cale sur les indexations des pensions de retraite … Nul besoin de développer plus encore pour comprendre que le respect du principe de réparation intégrale n’est nullement au rendez-vous … Au bout de quelques années il est certain que la victime ne pourra pas faire face à ses dépenses !

 

De plus, quid de l’imposition de cette rente ? Les règles fiscales en la matière étant particulièrement absconses…

 

Enfin, l’argument qui me semble le plus pertinent pour s’opposer à l’indemnisation sous forme de rente est celui qui a trait à la libre disposition des fonds par la victime.

En caricaturant à souhait, la victime peut décider de dépenser son indemnisation en s’octroyant 6 mois de vacances dans un hôtel super luxe à BORA BORA … cela la regarde seule !

Si une rente est versée, cela signifie que la victime est obligée d’affecter son indemnisation. Elle est privée de sa liberté de disposer, encore, de sa vie et de son avenir.

 

Or, j’ai constaté que souvent, sans aller à BORA BORA…. , les victimes font le choix de dépenser de fortes sommes pour acquérir un logement plus spacieux, extrêmement bien pourvus en aménagements, meublés selon des choix qu’elles n’auraient surement jamais pu faire auparavant, mieux situé…… Si leur indemnisation se limitait à les replacer, conformément à la jurisprudence, dans la situation qui était la leur avant l’accident, les victimes font le choix d’améliorer leur quotidien en affectant à leur logement une part de leur indemnisation allouée pour d’autres préjudices.

 

Je pense à une victime qui vivait dans le Pas de Calais et qui a fait le choix de finalement aller s’installer à Nice. Elle a du dès lors débourser plus pour acquérir son logement que l’indemnisation allouée au titre des frais de logement adaptés. Mais cela relevait de son choix personnel, qu’elle n’aurait pu exercer si elle avait été indemnisée sous forme de rente.

 

La rente constitue la double peine : la personne a été blessée dans sa chair et, au surplus, on lui impose d’affecter l’indemnisation qui lui est due en lui retirant toute liberté de choix !

 

Dès lors, la capitalisation est la seule possibilité d’une juste indemnisation et est un enjeu majeur.

 

Qu’est-ce que la capitalisation ? c’est un concept laissé à de « gens «  qui s’appellent des actuaires et dont c’est le métier … Pour tenter de faire simple : la capitalisation consiste à déterminer que pour 1 € qui doit être versé à une victime, tous les ans, sa vie durant je dois lui donner maintenant X €.

 

3 éléments vont permettre de déterminer ce « prix d’euro rente » :

 

  • l’espérance de vie : d’évidence plus la victime est jeune, plus l’indemnité doit être élevée, 
  • les taux d’intérêt : car il est fictivement considéré que la victime va placer cet argent et que les intérêts vont venir se cumuler au capital… donc plus les taux d’intérêt sont élevés moins la victime reçoit de capital et évidemment inversement ….
  • l’inflation : 1 € aujourd’hui ne vaudra pas 1 € …. ne serait-ce que l’année prochaine. Les barèmes doivent donc tenir compte des taux d’inflation  (il convient de rappeler que tel ne fut pas toujours le cas, et que l’apparition de barème dit « inflaté » avait soulevé une opposition majeure … des assureurs).
     

Or, actuellement les taux d’intérêts sont faibles et l’inflation élevée … Dès lors, le barème de capitalisation ne peut qu’être calculé sur un taux négatif (taux d’intérêt duquel je déduis le taux d’inflation).

 

C’est ce que la Cour d’Appel de PARIS valide dans son arrêt du 12 octobre.