ACCIDENT DE LA ROUTE – RECOURS CONTRE LE CHRU DE ROUEN

26/10/2023
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M. X victime d'un accident de la circulation, a été pris en charge par le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de ROUEN et a subi le 15 juin 2012 une très sérieuse opération chirurgicale dont il a conservé des séquelles gravissimes puisqu’il est devenu paraplégique.

 

Par jugement du 4 décembre 2013, le Tribunal correctionnel de Chartres a déclaré l'automobiliste auteur de l'accident redevable de l'indemnisation des préjudices corporels subis par M. X.  La MACIF assureur de ce véhicule et en application des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accident de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, a indemnisé M. X de l’ensemble de ses dommages corporels et remboursé leurs frais aux tiers payeurs (caisse primaire d’assurance maladie et mutuelle complémentaire).

 

Subrogée dans les droits de la victime (à la fois par une subrogation dans les droits du conducteur responsable qu’elle assurait et à la fois par une subrogation dans les droits de la victime de l’accident de la route), la MACIF a demandé au Tribunal Administratif de ROUEN de condamner le CHRU de ROUEN, dont l'assureur est la société hospitalière d'assurance mutuelle (SHAM), au remboursement de ses débours à la victime et aux tiers payeurs.

 

Par un jugement du 6 juin 2019, le tribunal administratif a rejeté la demande de la Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce (la MACIF) tendant à obtenir la condamnation du  centre hospitalier régional et universitaire (CHRU) de Rouen, et de son assureur, la Société Hospitalière d'Assurance Mutuelle (SHAM),  à lui rembourser la somme de 1 139 807,89 euros correspondante à ce que cet assureur à verser en indemnisation d’une préjudice corporel d’une victime d’un accident de la circulation ainsi qu’aux remboursements des frais exposés par les tiers payeurs (organisme social obligatoire et mutuelle complémentaire).

 

Par un arrêt avant dire droit du 6 avril 2021, la Cour Administrative d'Appel de DOUAI a, sur appel de la MACIF, jugé que la responsabilité du CHRU de ROUEN n'était susceptible d'être engagée ni sur le fondement d'une faute dans l'organisation ou le fonctionnement du service ni en raison d'un manquement au devoir d'information du patient et ordonné une expertise portant notamment sur l'intervention chirurgicale en elle-même subie par M. X le 15 juin 2012. Par ordonnance du 19 mai 2021, le Président de la Cour Administrative d'Appel a désigné comme expert le docteur Z  qui a déposé son rapport le 9 septembre 2021.

 

Si cette expertise devait retenir une faute dans la réalisation de l’acte chirurgical, la responsabilité du CHRU de ROUEN  aurait pu être engagée et son assureur, la SHAM, condamnée à rembourser les sommes versées soit plus d’un million d’euros…

 

Par un arrêt du 21 décembre 2021, la Cour a rejeté l'appel formé par la MACIF contre ce jugement. La MACIF forme alors un recours contre ledit arrêt sur la question de l’indépendance de l’expert médical judiciaire nommé.

 

En effet, le Docteur Z avait au cours de l’année 2021, soit l’année du dépôt de son rapport d’expertise concernant les faits de l’espèce, réalisé plusieurs missions en qualité de médecin conseil, dont certaines étaient toujours en cours pour le compte de la SHAM … assureur du CHRU de ROUEN dont la responsabilité était recherchée par la MACIF….

 

La MACIF estime qu’en application de  l'article R 4127-105 du Code de la Santé Publique, le médecin expert aurait dû refuser cette mission.

 

La Cour d’Appel quant à elle avait estimé que  la MACIF n'était pas fondée à mettre en cause l'impartialité du docteur Z  «  eu égard, d'une part, aux obligations déontologiques et aux garanties qui s'attachent tant à la qualité de médecin qu'à celle d'expert désigné par une juridiction et, d'autre part, au déroulement des opérations d'expertise, tenues en présence de deux médecins-conseils de la MACIF ».

 

Le Conseil d’Etat annule l’arrêt d’appel et suit la compagnie d’assurance, à l’occasion de son arrêt rappelle :

 

  • Que « d’une part  il appartient au juge, saisi d'un moyen mettant en doute l'impartialité d'un expert, de rechercher si, eu égard à leur nature, à leur intensité, à leur date et à leur durée, les relations directes ou indirectes entre cet expert et l'une ou plusieurs des parties au litige sont de nature à susciter un doute sur son impartialité. En particulier, doivent en principe être regardées comme suscitant un tel doute les relations professionnelles s'étant nouées ou poursuivies durant la période de l'expertise. »

 

  • Que « d'autre part, aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 4127-105 du code de la santé publique : " Un médecin ne doit pas accepter une mission d'expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d'un de ses patients, d'un de ses proches, d'un de ses amis ou d'un groupement qui fait habituellement appel à ses services »

 

 

Cet arrêt sera mentionné des les tables du recueil LEBON